Une autre voie

Tu es petite.

Oui, je le suis.

Tu es faible.

Oui, je le suis.

Tu es...

Non, tu ne sais pas ce que je suis... Je suis vivante. Et c'est déjà pas mal.

Tu ne pou...

Si, je le peux, et c'est ce que je veux, et ce que je fais. Mon bras ne tremble pas lorsque je prends la pointe couverte d'aiguilles. Il ne tremble pas non-plus en perçant la chair de Meredina. Et il ne tremble pas sous les cris d'agonie qui secouent la pièce entière.

Je me souviens, quelques dix hivers auparavant c'est moi qui étais attachée là, à pleurer pour punir la faiblesse de mon corps, ce corps qui fit la honte de ceux qui furent mes parents. On m'avait fouetté, pas si fort, juste assez pour ébranler ma résistance. Juste assez pour me faire regretter ma naissance. Puis on m'avait interdit la Mission. Tout juste eu-je le droit aux cours de monte... Alors j'ai lu, lu et lu, beaucoup, peut-être beaucoup trop. Car j'ai découvert cet ouvrage, celui qui trone dans mon autre main. Celui où dansent les mots que je récite. Des mots d'un autre monde, d'un autre temps. Des mots qui ne vont pas avec cette réalité...

Alors que la pointe recourbée trouve son chemin entre les côtes et les hurlements de mon amie, je prononce les dernières paroles maudites du carnet. Le frisson de la mort parcours mon échine lorsqu'un sifflement dérangeant résonne depuis la poitrine exhibée de ma victime. Mais je raffermi ma prise sur la lame maudite et l'enfonce plus avant, sa forme recourbée se taillant un chemin arrondit dans le ventre de celle qui fut autrefois mon amie.