Rilke's French poems are not often translated into English. I am beginning a new version. |
October 31, 2007. I've started to add the 80 poems which make up the "Orchards" cycle. The first 15 are here for your enjoyment. Further on you'll find the 10 poems from "The Windows" and the 24 poems included in "The Roses" cycles. I hope to complete my translation of the 130 odd poems in my possession in the next few months. I don't know if I've chosen the proper book format so that people can easily comment, but that may be able to be changed once the item is established, we'll see. |
1. This evening my heart inspires angels to sing, remembering… A voice, almost mine, tempted by too much silence, rises up and decides to never return; tender and brave, with what will it unite? Ce soir mon coeur fait chanter des anges qui se souviennent… Une voix, presque mienne, par trop de silence tentée, monte et se décide à ne plus revenir; tendre et intrépide à quoi va-elle s’unir? |
2. Evening lamp, my calm confidante you have not made my heart reveal itself; (one could get lost, perhaps;) but its slope of the south side is delicately illuminated. It is once again you, oh student’s lamp, who, from time to time, wishes the reader would pause, astonished, and to take the trouble to leave his book, and gaze at you. (And your simplicity eliminates an Angel.) Lampe du soir, ma calme confidente, mon coeur n’est point par toi dévoilé; (on s’y perdrait peut-être;) mais sa pente du côté sud est doucement éclairée. C’est encore toi, ô lampe d’étudiant, qui veux que le liseur de temps en temps s’arrête, étonné, et se dérange sur son bouquin, te regardant. (Et ta simplicité supprime un Ange.) |
3. Be still, so suddenly the Angel at your table makes up his mind; gently smooth the few wrinkles in the tablecloth beneath your bread. You will offer your meager food, so that he too may taste, and lift to his pure lips a simple everyday glass. Reste tranquille, si soudain l’Ange à ta table se décide; efface doucement les quelques rides que fait la nappe sous ton pain. Tu offriras ta rude nourriture, pour qu’il en goûte à son tour, et qu’il soulève à la lèvre pure un simple verre de tous les jours. |
4. How many strange secrets have we told the flowers, in hopes that this delicate balance can tell us the weight of passion. The stars are all troubled from being mixed with our heartaches. And from the strongest to the weakest none no longer tolerate our varying moods our uprising, our cries —, except the untiring table and the bed (unconscious table). Combien a-t-on fait aux fleurs d’étranges confidences, pour que cette fine balance nous dise le poids de l’ardeur. Les astres sont tous confus qu’à nos chagrins on les mêle. Et du plus fort au plus frêle nul ne supporte plus notre humeur variable, nous révoltes, nos cris —, sauf l’infatigable table et le lit (table évanouie). |
5. Everything happened almost as if someone blamed the apple for being good to eat. But other dangers remain: leaving it on the tree, sculpting it of marble, and the last, the worst: being angry because it’s made of wax. Tout se passé à peu près comme si l’on reprochait à la pomme d’être bonne à manger. Mais il reste d’autres dangers : Celui de la laisser sur l’arbre, celui de la sculpter en marbre, et le dernier, le pire : de lui en vouloir d’être en cire. |
6. No one knows how this thing he refuses, the Invisible, dominates us, when to the invisible ruse our life yields, invisibly. Slowly, at the mercy of attractions our center changes place so that in turn the heart may surrender to him, finally, the Great Master of absence. Nul ne sait, combien ce qu’il refuse, l’Invisible, nous domine, quand notre vie à l’invisible ruse cède, invisiblement. Lentement, au gré des attirances, notre centre se déplace pour que le coeur s’y rende à son tour : lui, enfin Grand Maître des absences. |
7. PALM Palm, soft ruffled bed where the sleeping stars left wrinkles when they rose towards the heavens. Was this bed such that they found respite, clear and incandescent, among the friendly stars in their eternal momentum? Oh, the two beds of my hands abandoned and cold, weightless with the absent mass of these bronze stars. PAUME Paume, doux lit froissé où des étoiles dormantes avaient laissé des plis en se levant vers le ciel. Est-ce que ce lit était tel qu’elles se trouvent reposées, claires et incandescentes, parmi les astres amis en leur élan éternel? Ô les deux lits de mes mains, abandonnés et froids, légers d’un absent poids de ces astres d’airain. |
8. Our penultimate word would be a word of misery, but faced with mother-consciousness the final one will be beautiful. For it will be necessary to resume every effort contained in desire which no bitter taste could retain. Notre avant dernier mot serait un mot de misère, mais devant la conscience-mère le tout dernier sera beau. Car il faudra qu’on résume tous les efforts d’un désir qu’aucun goût d’amertume ne saurait contenir. |
9. If we sing to a god, this god responds to us in silence. No one among us advances only towards a silent god. This imperceptible exchange which makes us quiver, becomes the heritage of an angel without belonging to us. Si l’on chante un dieu, ce dieu vous rend son silence. Nul de nous ne s’avance que vers un dieu silencieux. Cet imperceptible échange qui nous fait frémir, devient l’héritage d’un ange sans nous appartenir. |
10. It is the Centaur who is true, he leaps across the seasons of a newly begun world which he has satisfied with his strength. Only the Hermaphrodite is whole in his dwelling. We seek everywhere the lost half of these demigods. C’est le Centaure qui a raison, qui traverse par bonds les saisons d’un monde à peine commencé qu’il a de sa force comblé. Ce n’est que l’Hermaphrodite qui est complet dans son gîte. Nous cherchons en tous les lieux la moitié perdue de ces Demi-Dieux. |
14. THE SUMMERTIME PASSERBY Do you see, there on the path, slow and happy she who is envied so, the passerby? At the road’s bend she should be greeted by the handsome men of another time. Underneath her parasol, with a passive sign, she takes advantage of the sweet alternative: hiding herself a moment from the overly harsh light, she brings back the shade which she brightens. LA PASSANTE D’ETE Vois-tu venir sur le chemin la lente, l’heureuse, celle que l’on envie, la promeneuse? Au tournant de la route il faudrait qu’elle soit saluée par de beaux messieurs d’autrefois. Sous son ombrelle, avec une trace passive, elle exploite la tendre alternative: s’effaçant un instant à la trop brusque lumière, elle ramène l’ombre dont elle s’éclaire. |
11. CORNUCOPIA O beautiful horn, from where are you leaning towards our expectations? You, none other than the curve of a chalice, spill forth! Flowers, flowers, flowers, while falling, they make a bed for the bounding roundness of so many ripe fruits! And all of this unendingly attacks us, and darts forth to punish the inadequacy of our overflowing hearts. Oh horn too vast, what miracle do you make happen! Oh, hunting horn calling all things with heaven’s breath. CORNE D’ ABONDANCE Ô belle corne, d’où penchée vers notre attente? Qui n’êtes qu’une pente en calice, déversez-vous! Des fleurs, des fleurs, des fleurs, qui, en tombant font un lit aux bondissantes rondeurs de tant de fruits accomplis! Et tout cela sans fin nous attaque et s’élance, pour punir l’insuffisance de notre coeur déjà plein. Ô corne trop vaste, quel miracle par vous se donne! Ô cor de chasse, qui sonne des choses, au souffle du ciel! |
12. Like a Venetian glass at its conception, knows this gray and the imprecise clarity which will make him beholden, thus your gentle hands had first dreamed of being the slow balance of our overflowing moments. Comme un verre de Venise sait en naissant ce gris et la clarté indécise dont il sera épris, ainsi tes tendres mains avaient rêvé d’avance d’être la lente balance de nos moments trop pleins. |
13. IVORY FRAGMENT Sweet shepherd tenderly surviving his role with the remains of a sheep on his shoulder. Sweet shepherd surviving in yellowing ivory beyond his game of shepherding. Your flock, disbanded as much as you, endures in the slow melancholy of your supportive face which resumes infinitely the truce of active grazing. FRAGMENT D’IVORE Doux pâtre qui survit tendrement à son rôle avec sur son épaule un débris de brebis. Doux pâtre qui survit en ivoire jaunâtre à son jeu de pâtre. Ton troupeau aboli autant que toi dure dans la lente mélancolie de ton assistante figure qui résume dans l’infini la trêve d’actives pâtures. |
With a lover’s sighing all of the night rises, a brief caress crosses the dazzled sky. It is as if in the universe an elementary force once again became the mother of all of the lost love. Sur le soupir de l’amie toute la nuit se soulève, une caresse brève parcourt le ciel ébloui. C’est comme si dans l’univers une force élémentaire redevenait la mère de tout amour qui se perd. |
Il suffit que, sur un balcon ou dans l’encadrement d’une fenêtre, une femme hésite…, pour être celle que nous perdons en l’ayant vue apparaître. Et si elle lève les bras pour nouer ses cheveux, tendre vase: combien notre perte par là gagne soudain d’emphase et notre malheur d’éclat! All it takes, on a balcony or in the frame of a window is that a woman hesitates… to become the one we lose having seen her appear. And if she raises her arms to knot her hair, tender vase: in one moment, how much our loss gains in importance and our unhappiness in brilliance! |
Tu me proposes, fenêtre étrange, d’attendre; déjà presque bouge ton rideau beige. Devrais-je, ô fenêtre, à ton invite me rendre? Ou me défendre, fenêtre? Qui attendrais-je? Ne suis-je intact, avec cette vie qui écoute, avec ce coeur tout plein que la perte complète? Avec cette route qui passe devant, et le doute que tu puisses donner ce trop dont le rêve m’arrête? You suggest, strange window, waiting; already your beige curtain is barely moving. Oh window, should I, at your invitation, go there? Or forbid it, window? Who would I expect? Am I not whole, with this life listening, with this brimming heart that loss completes? With this road passing in front, and the doubt that you can give this abundance never found in my dreams? |
N’est-tu pas notre géométrie, fenêtre, très simple forme qui sans effort circonscris notre vie énorme? Celle qu’on aime n’est jamais plus belle que lorsqu’on la voit apparaître encadrée de toi; c’est, ô fenêtre, que tu la rends presque éternelle. Tous les hasards sont abolis. L’être se tient au milieu de l’amour, avec ce peu d’espace autour dont on est maître. Are you not our geometry, window, so simple form which, effortless, circumscribes our vast life? She who is loved is never more beautiful than we she appears, framed by you; it is, oh window, that you render her almost eternal. Every hazard is abolished. She stands surrounded by love, with this reduced space surrounding, that can be mastered. |
Fenêtre, toi, ô mesure d’attente, tant de fois remplie, quand une vie se verse et s’impatiente vers une autre vie. Toi qui sépares et qui attires, changeante comme la mer,— glace, soudain, où notre figure se mire mêlée à ce qu’on voit à travers; échantillon d’une liberté compromise par la présence du sort; prise par laquelle parmi nous s’égalise le grand trop du dehors. Window, you, oh scale of waiting, so many times filled; when one life overflows impatiently towards another life. You who separate and attract, changing like the oceans,— sudden reflection, where our face contemplates itself mingling with what is seen on the other side; sample of a compromised freedom, for destiny is present; taken by the one among us which tempers the great excess on the outside. |
Comme tu ajoutes à tout, fenêtre, le sens de nos rites: Quelqu’un qui ne serait que debout, dans ton cadre attend ou médite. Tel distrait, tel paresseux, c’est toi qui le mets en page: il se ressemble un peu, il devient son image Perdu dans un vague ennui, l’enfant s’y appuie et reste; il rêve… Ce n’est pas lui, c’est le temps qui use sa veste. Et les amantes, les y voit-on, immobiles et frêles, percées comme les papillons pour la beauté de leurs ailes. As you add to everything, window, the meaning of our rituals: Someone only standing, in your frame, waits or meditates. So distracted, so lazy, it is you who places him on the page: he slowly resembles it, he becomes its image. Lost in an unclear boredom, a child leans, and remains; he dreams… It is not he, but time who wears thin his jacket. And the lovers, are they seen, statuesque and fragile, pinned like butterflies for the beauty of their wings. |